Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le quatrième wagon
3 mai 2009

Syrius

Mais tout d'abord, un petit cadeau de bienvenue:                                                ___________________________________________________________

J’étais hier à la bibliothèque, à la recherche d’informations alternatives sur un sujet inavouable, lorsque je croisai le regard de ma copine Nathy. Nathy est une maman moderne, la quarantaine joyeuse et dynamique, merveilleusement concernée par l’évolution de son petit Ulysseus (cet improbable prénom me laisse toujours sur le carreau. Mais un jour, on appellera les petites filles Tarentule et Copacabana, et tout le monde trouvera ça normal.). Or, Nathy vient d’offrir à la prunelle de ses yeux un ravissant poisson rouge (enfin bon, c’est un poisson rouge), et elle tient à se renseigner sur ce silencieux compagnon. Son regard dépassait à peine d’une pile de bouquins de formats divers, entassés dans le plus grand désordre. Une masse compacte d’informations sur le poisson rouge.

 

J’ai trouvé ça formidable, qu’une maman passe son Samedi après-midi à la bibliothèque pour un tel épiphénomène. Vraiment. Lorsque j’étais petite, j’avais un poisson rouge que mon père avait appelé Syrius. J’adorais ce poisson. Il a vécu très vieux, il me semble qu’il avait 14 ans lorsque nous l’avons retrouvé un matin, flottant le ventre à l’air dans une attitude totalement zen.  Je précise que Syrius fut le premier être vivant à manger dans la cuisine, bien avant ma naissance. Mais il était mort de sa belle mort, discrètement, sans faire de vagues. Mon frère et moi avons organisé des funérailles en grandes pompes. Nous l’avons enveloppé dans une feuille d’aluminium, puis nous l’avons transporté dans la camionnette téléguidée frappée du logo des Galeries Lafayette que mon frère avait reçu à Noël. Et nous sommes partis en procession jusqu’au vide-ordures du couloir. Nous avions l’air très grave, de cet air très grave dont seuls les petits enfants sont capables (notamment lorsqu’ils tentent d’introduire un cube gros comme Madagascar dans un rond de serviette). Comme le fil qui reliait la camionnette à la télécommande était très court, nous marchions à tous petits pas pour ne pas écraser le corbillard improvisé. Maman a ouvert la porte du vide-ordures, et a délicatement balancé Syrius dans les limbes du sous-sol. Je ne crois pas qu’elle ait chanté un cantique, mes souvenirs sont assez flous ; mais c’était une cérémonie très chouette.

 

Enfin bref, Syrius avait vécu 14 ans, et je ne me souviens pas que qui que ce soit ait jamais ouvert un livre concernant les poissons rouges. Il faut dire aussi qu’à l’époque, on les trouvait surtout dans les foires, emballés dans de petits sacs en plastique exigus contenant de l’eau en quantité infinitésimale. Et que la littérature du poisson rouge était assez confidentielle. C’est d’ailleurs à la foire que nous avons trouvé le successeur de Syrius, Oscar, qui n’a pas tenu plus d’une semaine. Comme nous n’avions pas eu le temps de nous attacher à ce nouveau compagnon, ses funérailles ont été beaucoup plus sommaires. Je crois que maman l’a mis à la poubelle tel quel, hop, au milieu des épluchures à patates. A mon avis, Oscar n’a pas supporté l’indifférence de mon père, qui semblait totalement étranger à l’apparition de cette nouvelle mascotte familiale. Je pense que son cœur s’était irrémédiablement brisé à la mort de Syrius.

 

Lorsque j’ai raconté cette histoire à Nathy, elle a ouvert de grands yeux étonnés. Elle m’a demandé quelle nourriture nous donnions à Syrius, pour qu’il vive si vieux. Et lorsque je lui ai répondu que les daphnies avaient été sa seule alimentation, elle a fait un triple axel arrière, avant de me démontrer, pléthore de renseignements à l’appui, qu’il fallait alterner avec des légumes cuits émiettés en petite quantité. Que la famille entière se soit mobilisée derrière une camionnette téléguidée contenant un poisson rouge et son linceul ne l’a pas particulièrement marquée. Par contre, que nous ayons été incapables de faire appel à Jean-Pierre Coffe pour élaborer les menus de Syrius semble l’avoir réellement ébranlée.

 

 

Publicité
Commentaires
L
L'enterrement du poisson rouge me fait penser à la scène du livre de Cunningham ou Virginia Woolf regarde ses neveux enterrer un oiseau mort. elle est très bien rendue dans le film qui en a été tiré.
F
Bonsoir melle Bille,<br /> <br /> En guise de pierre de Rosette (à défaut d'avoir de l'andouille de Cambrai), tu peux t'aider du lien fabuleux ci-dessous (attention, au débur, ça fait peur) et, telle une Champollion des temps modernes, élucider le mystère de mon comm ;-)<br /> <br /> http://chti.logeek.com/generator.php?url=http%3A%2F%2Fwagon4.canalblog.com<br /> <br /> Bonne nuit...
M
Coucou,<br /> <br /> je suis ravie mais alors ravie de te relire.<br /> Je suis heureuse de voir que la révision n'a pas été trop longue.<br /> Pour ce qui est des aventures piscicoles, j'ai choisi en signe de deuil d'appeler mon fils comme un de mes poissons défunts.<br /> Hum
M
Au bout du monde, vous allez probablement trouver Grenadine et Puhu-Puhu, mère Castor. J'en frémis.<br /> Fred, saperlipopette, pourrais-tu me poster rapidement une pierre de rosette (ou de Morteau)?<br /> Sandrine, tout ceci me rappelle fort à propos une chanson des Beatles...<br /> Ma zénitude revêt une forme particulière, Madame De Kerplouermel; et n'est pas validée par Lobsang Rimpotché Kharlmax.
M
J'en ai encore des frissons le long de l'échine de cette vidéo ! Ma doué beniguet !<br /> Et tu disais quoi dans ta page précédente ? que t'étais davantage zen et sereine ? ben qu'est-ce que ça devait être avant !...
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Publicité