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Le quatrième wagon
21 mai 2009

Prenons un peu d'auteurs (mais dis donc, il est formidable ce titre)

startrekParfois, j'ai honte. Si, j'ai honte. Notamment lorsque je discute littérature avec des personnes très cultivées, et qu'elles m'assaillent (car ce sont aussi des guerriers, elle est très bonne) de références occultes dont personne n'a jamais entendu parler. Souvent, elles déplorent aussi mon manque d'intérêt pour la littérature Française.
C'est mal, je sais. D'autant que certains auteurs sont vraiment sensationnels.

Mais c'est comme ça.

Qu'est-ce que tu veux que je réponde à ça, franchement?

J'ai essayé, vraiment (j'ai également essayé de m'intéresser au football, à la poésie Persane, aux chiens errants et à la tectonique des plaques. Sans succès.) Les musées, c'est pareil. Je erre comme un pâle fantôme à la recherche d'une émotion, et neuf fois sur dix, je me retrouve assise sur un banc à regarder les détails du parquet, pendant que mes compagnons arrondissent leurs bouches et émettent toute une série de sons étonnants devant une œuvre majeure. Certains musées me ravissent pourtant: les arts et métiers, le musée de la dent ou celui du peigne, le musée de la contrefaçon et celui consacré aux chemins de fer. Ils sont moins tape-à-l'œil (sauf si tu visites le musée de l'œil), et bien plus rigolos. Mais en général, dans les musées, je suis aussi expressive qu'un tabouret (il me semble d'ailleurs qu'un jour, un gros type a failli s'assoir sur moi au MAMCO).

Alors donc, la littérature française, bien bof mon ami, et j'en conçois moult honte. Veuille me servir un petit remontant merci celui qui sent la gentiane et le pop-corn avarié (comment? Tu n'aimes pas cette phrase que tu juges trop audacieuse en termes grammaticaux? Tu as raison. Bien joué, tu es attentif).

brysonCar vois-tu, je suis une indécrottable anglophile. John Steinbeck l'a décidé lorsque j'avais 12 ans, le salaud m'a volé mon enfance. Il a salopé mon lit de petite fille à grand coup de raisins colériques et de boîtes de sardines. Mon premier choc. J'en ai eu d'autres. J'ai pleuré à la mort de Saul Bellow. Pas parce qu'il était mort (c''est bien triste certes, mais nous finissons tous par mourir), mais parce qu'il n'écrirait plus. J'ai découvert les Lodge, les Boyd, les Irving, les Roth, les Boyle, les Singer. J'ai sucé toutes leurs histoires jusqu'à m'en encrer l'oreiller. Toutes. Même les plus discutables. Et puis j'ai découvert Bill. Salaud de Bryson, lui m'a volé mes ambitions littéraires. Dans mes rêves les plus téméraires, j'ai écrit "Motel blues", "American rigolos" et tous les autres, mais Bill Bryson l'a déjà fait  . En beaucoup mieux, en beaucoup plus subtil, en formidablement drôle.

(Tiens, il y avait longtemps que le mot "formidable" dormait. Il doit y avoir une poche sous le clavier, remplie de "formidable".)

Aussi ai-je décidé de te parler de Jim Harrison (va donc ouvrir. Elle est beaucoup moins bonne).

Jim Harrison, c'est Pantagruel au pays du maïs, une sorte de géant vert avec un oeil crevé et des mots plein les doigts. Entre deux ragoûts de bison et 6 bouteilles de Château Ducru-Beaucaillou (un Saint-Julien formidable extra), il chasse en compagnie de son énorme chien un peu pourri (mais drôlement sympathique), il pêche avec des Indiens, il dort par -30° dans le Montana, recouvert (Jim Harrison, pas le Montana), pour l'occasion, d'une ravissante couverture Chippewa épaisse comme une compresse, mais très finement ouvragée. Avec des broderies en lapis-lazuli. Une fois que ses doigts sont tombés à cause du froid, il les recolle avec une pointe de glue, et il écrit:

harrison

" J'ai 65 ans et cet été dans le Montana, j'ai soudain eu le béguin pour une serveuse dans une gargote. Je lui ai même envoyé des fleurs. Un cow-boy local plutôt baraqué, le mari de la serveuse en fait, a dû m'expliquer qu'elle était déjà prise. J'ai crû qu'à mon âge, j'étais au-delà de ce genre de choses, mais non. Voilà pourquoi j'adore la théorie du chaos".

Sobre comme un chameau, précis comme un scalpel (je ne suis d'ailleurs pas certaine que "sobre" soit au vocabulaire de Jim Harrison). Les fioritures, il les réserve à ses amis. Il les accueille dans une cabane en rondins, et cuisine comme un dieu 3 patates et une lentille, dans une vieille marmite qui pue la Worcestershire sauce, et qu'il a lavée avec du sable et l'eau du lac Michigan.

Parfois, il met un ours dedans.

Pour le goût.

Jim Harrison, c'est la vie, en plus grand. En fait, ce type est gigantesque. Il a enfermé dans son ventre et dans sa poitrine les grandes plaines, l'histoire de l'Amérique, l'amour, les tribus, la colère, il en a fait un ragoût fabuleux.

Jim Harrison est une vieille marmite cabossée qui pue la worcestershire sauce, il a mangé plein de cailloux.

Et il en fait un festin.

Un critique un peu crétin a écrit que son dernier livre, "une odyssée Américaine", était un livre de vieux. Je suppose qu'il entend par là que c'est un livre avec des virgules, une ponctuation juste, des sujets, des verbes et des compléments. Le vieil Ulysse de Jim Harrison parle beaucoup de sexe, c'est peut-être aussi un peu pour ça que le critique un peu crétin  ne l'a pas complètement compris. Ce critique un peu crétin est lui-même assez moisi (bien qu'un peu crétin), mais différemment. L'histoire et les phrases doivent avoir un écho métallique.

Ou terreux, c'est selon.

Jim Harrison est un géant.



(pardon pour ce dernier lien, je m'immolerai dans quelques instants)

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Commentaires
T
Je suis sure que tu adorerais Le MIAM toi!....
M
Remarque, je ne sais pas s'il va accepter.
M
Je suis d'accord, madame de KrakKrak, je ne me suis pas justement exprimée sur ce point. Je voulais dire par là que le héros de Jim Harrison consomme énormément de culcul, car il retrouve dans son aventure une nouvelle jeunesse, qu'il sait fugace? Il n'est pas dupe, mais il prend du bon temps. Et je crois bien, si je ne me trompe, que je suis plus vieille que toi;-)))<br /> Sandrine, Michel Butor n'habite pas très loin de chez moi, une quinzaine de kilomètres. Si tu veux, je t'arrange un rendez-vous, on y va, on lui apporte un rôti de poulpe. Et du picrate. Et après on lui fait écrire la journée. D'ac?
M
Je m'étonne que personne n'ait relevé ce point pour le moins étonnant dans la démonstration magistrale de Mlle Bille : ainsi donc les livres qui parlent de sexe seraient pour les vieux ? Peut-être que pour une fois je jugerai pertinent de me classer dans la catégorie des vieux alors... <br /> ;-D
S
Ben moi, j'ai fait des études de lettres en ne connaissant pas la moindre anecdote littéraire très en vogue dans les sociétés cultivées (chez moi, on cultivait les légumes, pas les romans, ni la poèsie.) A chaque fois qu'on me parlait d'un "bon" bouquin, je ne l'avais pas lu et quand, oh miracle, je l'avais lu, je n'en faisais pas la bonne analyse, (oui,y'a qu'un seul point de vue correct et généralement ce n'est pas le mien ;-)) ça m'a toujours épaté d'entendre quelqu'un dire avec aplomb : "l'auteur à voulu dire ou exprimer ceci ou cela". Bref, moi, je dis (comment ça, on ne me demande pas mon avis, tant pis, je le donne !) la littérature, la vraie, c'est tout de même un peu celle qui embarque et qui remue les tripes, celle qui dépayse. L'autre qui casse le cerveau, c'est un truc pour les gens un peu frappa dingues qui aiment se faire mousser en public à grand coup de mots étonnamment compliqués (très rigolo à inventer, les mots de ce genre). Je me souviens vaguement d'un auteur Butor (j'invente rien, c'est son vrai nom)qui a réussi à écrire soixante pages sur la description d'une miette dans un train : comme j'étais obligée de lire son bouquin pour réussir mes examens, je me suis imaginée qu'il avait fait un pari avec un pote, genre : t'es pas cap' de publier une description de plus de cinquante pages sur une miette ! Et mon prof en a eu des trucs à dire sur le sujet ! Bigre, maintenant je lis de la littérature pour les gosses et je m'évade sacrément loin ! C'est que j'ai le plus bel âge de la vie, celui où l'on se fiche d'être ridicule, dis donc ! J'ai pas lu le dernier prix Goncourt, mais j'ai lu le dernier Ponti : "catalogue de parents pour les enfants qui veulent en changer (oui pour moi, la littérature, c'est ça !:-))
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