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Le quatrième wagon

5 octobre 2011

La fête à NeuVeu (un jeu de mot pitoyable, certes, mais qui es-tu pour juger, étranger?)

la_f_te___NeuVeuUn jour, c’était il y a très longtemps, j'ai proposé à Neveu de l’emmener à la fête foraine. Je ne m’en souvenais pas, j’avais probablement fait cette promesse pour avoir la paix. Ou pour regarder tranquillement un reportage sur le tressage des sacs en poils de puces de l'archipel de tûhû-pûrû. Pendant qu’il jouait à Dark Vador dans sa chambre.

Évidemment, j'avais instantanément oublié cette promesse. C'était sans compter sur l'effarante opiniâtreté des enfants, qui ont une mémoire de globicéphale (s'ils étaient aussi pugnaces avec leurs conjugaisons et leurs cours de syntaxe, nous aurions moins de problèmes). Le jour où Neveu m’a téléphoné, il avait dans ses phrases hésitantes un je ne sais quoi de vaguement expectatif. Sa petite voix de flûtiau traînassait, il répondait à mes questions par monosyllabes. Et lorsque je lui ai demandé s’il avait par hasard mangé une touffe d’éponge, il a lâché le morceau : « Heu ben tu sais euh en face de chez moi euh tu sais ya la euh la fête foraine euh hé ben tu sais t’avais dit qu’euh ben tu sais ».

Qu’est-ce que je vous avais dit pour les syntaxes, hein ?  

 

Après quelques tours de passe-passe linguistiques qui n’ont absolument pas ébranlé sa détermination (parce que Neveu n’est pas la moitié d’un con), je n’ai eu d’autre choix que de le bâillonner et le jeter vivant dans un puits rempli de poix chaude l’accompagner, la mort dans l’âme.

C’est fou ce que les fêtes foraines se sont perfectionnées.

J’ignorais que les ingénieurs du CNRS, à temps perdu, construisaient des manèges d'après les plans des super-centrifugeuses. Celles qu'on utilise pour faire des expériences sur les protons. Après un tour de "méga-trooper", j’avais le cerveau en forme de quark, et je me sentais comme en mission d’exploration au fin fond d’un trou noir. On vous comprime dans un harnais de sécurité de la taille du viaduc de Millau, un bâillon phonique sur la bouche, une poubelle sur la tête, on vous met des gants en fonte et hop, on vous propulse à 1000 km/heure dans tous les sens, au son des flonflons (je comprends mieux, à présent, ce que ressent un pamplemousse quand la centrifugeuse sépare son jus de sa pulpe). Je ne serais pas étonnée que la recherche spatiale prévoie des colonies sur Mars, je sais à présent que l'entraînement occulte des spationautes a lieu dans les fêtes foraines. Les genoux pleins de mousse, je suis descendue en biais de la nacelle, et j’ai fait quelques pas maladroits en direction du vendeur de billets, avec la ferme intention de le gifler à toute volée. Las, je me suis trouvée dans l’incapacité de produire le moindre son (quoi qu’il en soit, si j’avais ouvert la bouche, j'aurais produit quelque chose de beaucoup plus concret qu'un simple son). 61579707

Neveu était tout émoustillé. Son petit visage fendu d’un sourire large comme le détroit de Gibraltar, il m’a tirée par la manche avec insistance vers le manège suivant. "The blazing rocket" est une attraction qui se pratique à deux, ça coûte un tambour. On prend place dans une bulle de plexiglas format sarcophage, re-viaduc de Millau, bâillon phonique et gants de fonte. Variante, la poubelle est remplacée par un casque à boudins qui vous aplatit le cerveau et vous compresse les tempes (comme si l’on avait placé par mégarde sa tête dans un casse-noix). Neveu avait pris les dimensions d’un petit paquet de nerfs y_a_t_il_un_pilote_dans_l_avion_julie_hagerty_lorna_patterson_leslie_nielsen_peter_gravesémerveillé quand soudain, ziiiiiiiii, nous sommes montés à 4000 mètres d’altitude en 2 dixièmes de seconde, le sarcophage a pivoté, et nous nous sommes retrouvés la tête en bas. Un bref moment a passé, au cours duquel j’ai vu défiler toute mon existence, et une force 3G nous a précipités vers le sol (et là, j’ai vu défiler un étrange kaléidoscope de lumières floues, car les lunettes sont inopérantes sous le casque de soudeur). Mon pacemaker a émis un couinement strident lorsque le sarcophage a stoppé sa chute à 3cm du bitume. Un arrêt cardiaque plus tard, je mangeai une pomme d'amour avec les oreilles, et je mettais de la bave un peu partout sur mon manteau. Neveu, lui, était en pleine forme.

                                                                                                                                                                                                                     Je lui ai alors proposé d’aller nous allonger dans un des petits wagonnets qui traversent le train fantôme, histoire de souffler un peu. Curieusement, j’ai senti une légère hésitation. Profitant de mon avantage (je sais, c’est mal, mais je ne vois pas pourquoi je me serais privée de ce modeste triomphe), je l’ai bourré dans le wagonnet et me suis assise à ses côtés. A peine avions-nous franchi, bringuebalants, les lamelles de plastique transparentes qui marquent la frontière entre le monde des vivants et celui des morts, que Neveu a enfoui sa tête au beau milieu de mes nichons et ne l’a plus jamais relevée. Ce qui signifie, entre autres, que j’ai dû me taper pendant une bonne partie du voyage le type avec la fausse tronçonneuse (enfin, j’espère qu’elle est fausse), celui qui monte au milieu du parcours à l’arrière du chariot, et qui te tripote les cheveux jusqu’à la tarentule géante en plastique avec les yeux en gel fluo.  Là, il lâche l’affaire, parce que ton corps est tout mou et que tu n’as plus aucune réaction. Sans parler des rires démoniaques, des têtes coupées qui jaillissent d’une cuve, et du vrai Frankenstein en cire qui fait le guignol dans un train fantôme depuis la guerre des Gaules, même que son bras droit pendouille de la jointure.


Neveu faisait beaucoup moins son titan.

C'est d'ailleurs fou, quand on y pense. Un gosse peut défoncer le mur du son la tête à l'envers en éclatant de rire, mais disparaît dans les limbes de la terreur devant un bout de plastique grossier qui parle et qui fait pouet (cela dit, littéralement, c'est effectivement beaucoup plus terrifiant). 

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Je me suis alors souvenue des fêtes foraines de mon enfance. Rien n’était plus chouette que parcourir la galerie des glaces, et découvrir avec ravissement que, dans un miroir déformant, mes jambes étaient les plus petites du monde. Et que la grosse pastèque avec des yeux, c’était ma tête. Remarquez, encore maintenant, je vois ça tous les matins dans ma salle de bain, et c'est gratuit. Mais je crains qu’à cette vision paradoxalement futuriste, Neveu ne préfère le blazing rocket.

Et tout bien réfléchi, moi aussi.

 

 

 

 

 

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10 septembre 2011

Mon festival de Cannes

Aujourd’hui, je vais te parler d’un des plus grands films de tous les temps (tu diras ce que tu voudras, mais quand même, je ne me fous pas de ta gueule).

« Le colosse de Rhodes » est un péplum de grande envergure, réalisé en 1961 par Sergio Leone. Et « Le colosse de Rhodes » est :

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voilà, tout est dit, Mitchell.

Si tu veux, je te raconte l’intrigue :

Darios, héros militaire grec, rend visite à son oncle à Rhodes en 280 av. J.-C. Il est à la recherche de nouveaux costumes mettant en valeur sa plastique avantageuse, et fait tout un tas de trucs avec sa bouche.

dariosC'est parce qu'il n'est pas très à l'aise dans ses costumes en carton d'ours peigné de Macédoine, mais comme il est très stoïque, il n'en dit rien (sur la 3ème photo, il essaie de s'assoir sur un petit tabouret raffiné. C'est extrêmement douloureux mais il n'en dit rien, car il est très stoïque).



Rhodes vient d'achever la construction d'une énorme statue d'Apollon (le colosse), qui fait à peu près 1000 mètres de haut, et qui balance de la poix chaude sur tous les navires étrangers. Le colosse est l’œuvre d’un architecte ingénieux, qui inventa la catapulte en balançant des boulettes de mie de pain avec une cuillère dans un banquet où dansaient des esclaves Nubiens.

Il est très fort.

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Le roi de Rhodes, quant à lui, porte un nom de liqueur, Xersès, parce qu'il est vil et cruel (et un peu stupide également, mais halte là, ne crois pas que ce soit si facile).

II aime  lui aussi les costumes qui mettent en valeur sa plastique avantageuse.

Mais il aime par-dessus tout utiliser l’astucieux fer à friser les franges que lui a offert Fernandel, son cousin venu de Phénicie (aussi). Comme ça, il ressemble un peu à Robert Hue, mais moins.

Ou à un des 7 nains, mais comme ils n'avaient pas encore été dessinés, il ne pouvait pas le savoir.

 

Bref.

 

Tu t’en doutes, Darios est très jaloux, et va tenter de dérober cet outil magique, forgé dans la nuit des temps par les dieux ,sur les versants de l’Olympe. Par Héphaïstos, le seigneur des forges (qu'on appelle aussi Régine, mais moins).

Mais Xersès a habilement dissimulé le fer à friser les franges dans les entrailles du colosse, pas si facile, non mais tu me prenais pour un con peut-être?

Lorsqu’il apprend cette terrible nouvelle, Darios éclate d’un rire sardonique et s’évanouit. Il faut dire qu’il est un peu limité. 020Surtout quand il fait ses trucs avec sa bouche et même, d’ailleurs, on se demande s’il ne le ferait pas un peu exprès, pour brouiller les pistes. C’est une des zones obscures de l’intrigue, mais Sergio Leone ne maîtrisait pas encore très bien toutes les techniques narratives du genre.

 

Darios est réveillé par une serviette de bain qui a pris apparence humaine pour ne pas l’effrayer, et qui lui chantonne une petite polyphonie Corse. Arrive alors un balai qui a pris l’apparence d’un ballet pour ne pas l’effrayer, et qui danse sur une petite polyphonie Corse aussi. C’est extrêmement bien fait, on y croit, Bravo Sergio Leone.

 


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Aussitôt réveillé par la serviette de bain, Darios se lance à la poursuite du fer à friser les franges. C’est alors qu’on découvre qu’il porte une culotte jaune. Cette culotte va lui être d’un grand secours, surtout lorsqu’il demande son chemin à Aladin et sa lampe merveilleuse.



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Regardez bien ces 2 images : la fumée jaune (c’était le signe de reconnaissance) change de couleur.

Darios comprend alors qu’il doit pénétrer le ventre du colosse s’il veut avoir un nouveau costume et des tripes à la graisse d’oie. Sans parler du fer à friser les franges qui lui permettra de retrouver sa virginité perdue au fond d'un costume (sur le tabouret raffiné).

 

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Habilement dissimulé derrière un filet de pêcheur, Darios réalise alors qu’il ne doit compter que sur lui. Non sans une certaine grâce, il franchit quelques obstacles plutôt mal fichus, fait une partie de mikado avec John Wayne, improvise un yodle qu’il fredonne à l’architecte astucieux. Charmé par la tessiture de velours du héros Grec, celui-ci révèle alors les secrets du colosse, et s'endort.

 


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Fou de joie, Darios actionne le mécanisme qui lui permettra de manipuler sans danger le fer à friser les franges.

Mais comme il est un peu limité, il fait tomber par mégarde une poutre sur la tête de Fernandel, qui renverse un peu partout ses assiettes en or, ses hanaps en rubis et ses timbales en émeraude.

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Mince alors, nous voilà bien.

Ensuite, il se passe encore un ou deux trucs incroyables, le colosse explose, John Wayne perd son chapeau et vole une pirogue à Raoni (qui en profite pour lui flanquer un coup de bâton de pluie sur la nuque. Bien joué Raoni). Du coup, Darios  récupère le cheval de John Wayne, et laisse le fer à friser les franges à Robert Hue. Tout le monde rigole, achète de nouveaux costumes, et disparait dans le crépuscule en dansant le cha cha cha.

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Participe au grand jeu de l'erreur et gagne la réplique exacte du fer à friser les franges de Xersès!

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27 mai 2011

J'aimerais tant voir Sirhacuse (un titre trop mauvais pour être malhonnête)

Car vois-tu, j’avais promis, ce qui n’était pas bien malin. Mais une promesse est une promesse, et si tu ne la tiens pas, les démons péteurs du 7ème cercle viennent en catimini te poncer le lobe de l’oreille avec une râpe à patate (oui, ils sont toujours là, embusqués dans un robinet ou au fin fond d’un taille-crayon. Si. Ils sont toujours là, et veillent à l’ordre du monde. Tremble, pauvre crétin qui les ignore).

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Je suis allée passer quelques jours au salon du SIRHÄ, et j’éprouve une grande joie à te faire partager cette expérience inédite (Cresson).

Je vais clarifier les choses une bonne fois pour toutes, le salon du SIRHÄ n’est pas dédié au cépage éponyme, même si, pour le coup, la faute d’orthographe ferait un peu tâche (de vin, elle est bonne). Le SIRHÄ c’est 377 208 km2 de bouffe, de pinard, et de robots de cuisine sophistiqués. Tellement sophistiqués que tu te demandes pourquoi George Lucas s’enquiquine à inventer des droïdes de la mort au lieu d’aller directement chez Kenwood.


vintage_femme_pinup_robot_01D’autant que ceux de chez Kenwood font la cuisine, ce qui n’est pas le cas du DSD1.

Et bien que le DSD1 soit un droïde araignée nain, extrêmement belliqueux, créé dans les ateliers Baktoid juste avant la bataille de Naboo, il n’est capable de pétrir que ta cervelle, et encore.

Bref, je suis allée sur le SIRHÄ dans le but de rencontrer l’équipe de ce beau magazine qui a le bon goût de me confier de beaux reportages sur de beaux sujets dans de belles conditions.

« Beau » sera donc la théma de ce billet, vaguement évoquée dans la bataille de Naboo, qui pourrait éventuellement s’appeler bataille des Nabots.

Mais halte là, ça devient n’importe quoi.

Revenons à nos croutons, et je conseille vivement aux organisateurs du salon de fournir à leurs visiteurs une petite boussole en plastique, un modèle simple, pratique, peu onéreux. Voire une balise argos.


MAIS SUFFISAMMENT EFFICACE POUR QUE NOUS PUISSIONS NOUS DIRIGER SANS ENCOMBRES ENTRE LES 78797 EXPOSANTS QUI PROPOSENT PÈLE-MÊLE DES AMUSE-BOUCHES AU WASABI, DES LINGETTES AUTO NETTOYANTES QUI FONT POUET QUAND ON LES ESSORE, DES PAINS AU CURCUMA LOINTAIN, DES SAUCISSES AU MIEL ET DES DISTRIBUTEURS DE SAVON INTELLIGENTS QUI GLOSENT DES HEURES SUR LA VACUITÉ DU MONDE.

D’avance, merci.

dayofthedead01myplanityak4Je me suis donc perdue, et je n’étais manifestement pas la seule. J’en veux pour preuve ce nombre incalculable de regards vides, dénués de toute lumière, ces corps à la limite de la chute qui valdinguaient, imprécis, d’un stand à l’autre.

Avec un sac en papier bourré de 3 tonnes de documents dans la main gauche, et une petite coupette en plastique dans la main droite.

Et des miettes de gâteau secs et un bout de gras aux commissures.

Forcément, vient un moment où tu abdiques. Où tu décides que quoi qu’il en soit, c’est foutu, autant profiter des bienfaits de ce monde car la vie est courte. Parce que tu pourrais bien mourir, là, entre Monsieur Eponge Révolutionnaire (qui, assis tout raide sur son tabouret rouge, ressemble à un crayon posé sur la pointe) et Madame Ravioles de Royan (qui t’hypnotise avec une petite fourchette en plastique piquée d’une délicieuse raviole ultra chaude qui va te calciner la langue. Il n'est pas impossible qu'elle fredonne en sourdine un petit chant incantatoire destiné à endormir ta méfiance). Un tout petit coin de ton cerveau saturé de graisses reste cependant un tantinet lucide, tu es là dans un but bien précis : rencontrer l’équipe de ce beau magazine qui a le bon goût de te confier de beaux reportages sur de beaux sujets dans de belles conditions.

Mais tu ignores tout de leur position, c’est un peu comme repérer un sucre au milieu du glacier des Bossons un jour de plein soleil.

Je suis donc passée 367 fois devant le championnat du monde des pâtissiers (en gobant systématiquement une mignardise, et je comprends aujourd’hui dans quel désarroi devait se trouver le sergent Garcia lorsqu’il lui fallait élégamment enjamber son fidèle destrier), 817 fois devant le tapis de décontamination du futur (qui, contre toute attente, n’élimine pas encore les toxines récoltées dans le village des vins, stand A£*µ312 ?§ !%¤22bleu), pour aboutir  invariablement dans l’allée +}555bonjourchezvous !/22bis. Et j’avais beau (théma) être en liaison constante avec l’équipe de ce beau magazine qui a le bon goût de me confier de beaux reportages sur de beaux sujets dans de belles conditions, elle restait intouchable.

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Un peu comme ces dieux auxquels on s’adresse avec ferveur dans le but d’obtenir quelques faveurs, mais dont les visages restent énigmatiquement cachés dans les limbes cosmiques.

De temps à autres, mon errance désespérée me conduisait à croiser pour la 5ème ou 6ème fois d’autres visiteurs hagards. Je pense que certains d’entre eux claudiquaient dans le grand labyrinthe depuis quelques jours sans jamais trouver la sortie, ils étaient débraillés, mal rasés, un peu penchés, et le plan du salon pendouillait lamentablement au bout de leurs longs doigts pâles aux ongles rongés par l’angoisse. Toutes les chaises étaient garnies d’hommes et de femmes mous aux bras ballants, la tête renversée et les yeux clos, et je butais parfois sur un corps allongé à même le sol. Le plan, déchiqueté et jauni par le temps, gisait à quelques centimètres, telle une précieuse carte au trésor qui aurait traversé les siècles.

Je n’ai jamais trouvé le stand de l’équipe de ce beau magazine qui a le bon goût de me confier de beaux reportages sur de beaux sujets dans de belles conditions. Peut-être d’ailleurs qu’ils n’existent pas, que tout ceci est pur fantasme, que je ne suis pas journaliste, peut-être que je gis (du verbe gésir) en coma dépassé quelque part et que je rêve cette aventure pendant que mes proches me déguisent en Achille Zavatta, et me posent des croûtes de tome sur la tête pour voir si je réagis (du verbe réagésir).

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Peut-être que vous n’existez pas non plus, d’ailleurs.

Et face à cette vertigineuse hypothèse, je ne vois pas pourquoi je me casserais le tronc à trouver une chute à ce billet.

 

 

 

 

 

 







PS: Bon écoute. Mis à part cette extraordinaire aventure, c'était drôlement chouette, le SIRHA.

17 janvier 2011

Les royales aventures de Pépin le Bref

Je parie que vous n’avez jamais dormi dans une contrebasse. Moi non plus d’ailleurs, mais ça n’est pas une raison . Car qui, oui qui, peut se vanter d’avoir passé une nuit dans une bulle en plastique, un soir d’orage, au cœur d’une pinède inhospitalière peuplée de sangliers, de mousses hostiles et d’animaux à 4 paires d’yeux ?

Hein ? Qui ?

Moi.

Et je n’en suis pas peu fière.

Parce que si ça vous arrivait à vous, croyez-moi, vous feriez beaucoup moins les malins.  moonraker

 Comparé à cette aventure, dormir dans une contrebasse, c'est de la gnognotte.

La bulle à dormir est un dispositif extrêmement ingénieux, composé d’un sas et d’une chambre à coucher. Exactement comme dans un de ces films de SF des années 70, dans lesquels apparaissait invariablement Jane Fonda, chaussée de cuissardes en vinyle, et moulée dans une sorte de pyjama très près des fesses.

Dessiné par Courrège, ou par Paco Rabane.

Il y aurait beaucoup à dire sur les films de SF des années 70 en général, et sur les pyjamas de Jane Fonda en particulier.

Mais tout bien réfléchi, on s’en fiche un peu des pyjamas de Jane Fonda.

 


Revenons donc à notre bulle.

Pour pénétrer dans la bulle sans qu’elle ne se dégonfle, il est impératif de refermer la porte du sas avant d’ouvrir celle de la chambre à coucher, ce dont je me suis scrupuleusement acquittée les 3 premières fois.

ma_bulle1Sens-tu venir la suite ? (parce que si j’écris « les 3 premières fois », cela signifie implicitement qu’il y en a au moins une quatrième, et que celle-ci est différente des précédentes. Sinon, j’aurais écrit « les 4 (ou 5 ou 10) premières fois. Et si tout c’était bien passé, je n’aurais rien écris du tout.)

Bingo, tu as tout compris, tu es décidément le lecteur rêvé, Hannibal.

Car, en voulant saisir en une nanoseconde le tire-bouchon resté sur le lit, j’ai bêtement oublié de refermer le sas.

Pourquoi vouloir saisir un tire-bouchon au repos ?

Pour téléphoner au pape, gros malin.

Bref, la bulle s’est instantanément déformée, rétractée, et a commencé de s’affaisser autour de moi dans un grand râle gazeux. J’ai poussé un petit cri idiot, avant de refermer en toute hâte les 2 ouvertures.

La bulle ressemblait à présent à une poire trop mûre, molle et sans consistance, et m'observait avec un brin de défi.

Voire une certaine morgue.

Il m’a fallu attendre 2 verres d’un excellent Bandol rouge pour qu’elle affiche à nouveau la forme insolente d’une bulle prête à vous dévorer.

Du genre « le rôdeur » (bonjour chez vous d’ailleurs).

La nuit s’annonçait pétillante et pleine de promesses.

Il faut aussi vous dire que je n’en menais pas très large. Car si vous observez attentivement la bulle, vous constaterez qu’elle est intégralement transparente. Vous vous posez peut-être la question de l’intimité mais halte la, je vous arrête tout de suite.

Fermez les yeux.

Vous êtes loin de tout, au milieu de la pinède, sous des pins millénaires qui chaloupent élégamment dans le murmure délicat du vent. Ceux qui verront vos fesses et vos nichons, ce sont les lapins, les insectes, les pommes de pin, la bouteille de Bandol rouge et les hiboux. Les sangliers, aussi (je remercie au passage la propriétaire de la bulle, qui n’a pas lésiné sur les détails les plus effrayants avant de me lâcher seule dans la nature hostile).

Alors l’intimité, hein, tu penses bien si on s’en fout.bulle

Par contre, rien n’empêche l’évadé de la prison des Baumettes de disparaître dans cette nature sauvage, muni du couteau de boucher qu’il a dérobé aux cuisines avant de se faire la belle. En courant à perdre haleine avant que l’alerte ne soit donnée, il va forcément tomber sur la bulle.

Avec moi dedans.

Rien n’empêche non plus l’évadé de la clinique psychiatrique Saint Roch de disparaitre dans cette nature sauvage, muni de la hache qu’il a dérobée aux cuisines avant de se faire la belle. En courant à perdre haleine avant que l’alerte ne soit donnée, il va forcément tomber sur la bulle.

Avec moi dedans.

Une silhouette apparaitra dans la pénombre. Les branches d’arbres commenceront à grincer sous les rafales de vent, les bourrasques de pluie clapoteront sur les parois de la bulle. Et soudain, un éclair déchirera l’obscurité, et viendra éclairer un visage ingrat, abominablement déformé, dont le sourire baveux révèlera quelques trous. C’est le Fou de Saint Roch, évadé le soir même. Dans sa main, il tient par les cheveux une tête sanguinolente.

Bref, je n’en menais pas très large.

D’autant que la pluie commençait à tomber pour de vrai, que les arbres commençaient à craquer pour de vrai, et que la propriété était gardée par un Malinois de la taille d’une grue, et dont les yeux jaunes révélaient une appétence particulière pour le Bandol rouge.

Et va te barricader dans une bulle en plastique, hein. Non mais vas-y, essaie, qu’on rigole. 

Je me suis couchée en faisant le moins de bruit possible, afin de ne pas révéler ma présence à l’armée des ombres, qui vivait plus que probablement dans un trou fangeux non loin de mon bivouac. Ils auraient été bien contents de manger mes genoux, eux qui ne se nourrissent habituellement que de glands. Le Malinois devait rôder quelque part, une araignée jaune grosse comme la main d’un bébé a entrepris l’ascension de la face Nord de la bulle. J’ai suivi sa progression à la lueur d’une lampe torche. De temps à autres, un éclair déchirait le paysage. Mais le Fou de Saint Roch devait être occupé ailleurs, peut-être qu’il partageait le festin de glands de l’armée des ombres.

Ou qu’il faisait un rami avec l’évadé des Baumettes. Mortuary_2006

Au bout d’un moment, je me suis habituée à cette situation étonnante et même, j’y ai pris plaisir. Après tout, il y avait peu de probabilité pour qu’il m’arrive quoi que ce soit, et c’était plutôt excitant. Toute seule au cœur de la nature, sous la pluie mais abritée, ouverte à 360° au reste du monde, je me suis surprise à vraiment aimer ça. J'avais presque l'impression d'être une sorte de Jim Harrison. Vous savez, le type qui dort sous un flanc de bison pendant 6 mois, et qui passe les 6 autres de l'année à écrire des histoires de types qui dorment sous un flanc de bison pendant 6 mois.

Du coup, quand le Fou de Saint Roch est arrivé avec sa tête coupée dans la main, je la lui ai échangée contre un verre de Bandol rouge.

Convivialité, prospérité.

Merci professeur Glapion-Pinchupinchu, à vous Cognacq-Jay.

 

12 janvier 2011

Jacques Cartier revu et corrigé à la sauce Coffe

Je suis très triste, un grand groupe de vêtements moches, pas chers et de mauvaise qualité vient de racheter le fond de commerce de Mourad, le petit épicier arabe du coin de la rue.

L'an passé, monsieur Mattazzo a lui aussi fermé boutique, remplacé par un grand groupe de vêtements moches, pas chers et de mauvaise qualité. Je crois qu’il s’agit d’une espèce d’épidémie dont les médias ne parlent pas ; on ne nous dit pas tout.

mattazzo_capitoneMonsieur Mattazzo était vendeur de télé, de bouilloires électriques, d'aspirateurs, de guirlandes lumineuses, de pantoufles et de grille-pains, il s'était installé dans le quartier sous le directoire (le 19 Nivôse ou Ventôse, selon la légende). On dit aussi qu'il se livrait à un trafic d'organes dans l'arrière-boutique, et qu'il arrondissait ses fins de mois en livrant aux maffieux des genoux de rechange sous le joyeux pseudonyme de Fermolo Capitone. Cependant, rien n'a jamais été prouvé.

Longue vie et prospérité, donc.

D'autant qu'il était Calabrais.



mattazzo2

Monsieur Mattazzo avait un sourire tout jaune et beaucoup de couperose, répartie sur ses 2 joues en réseaux fins et bleutés (plusieurs générations d'écoliers ont révisé leur carte de France routière en décryptant le visage de Monsieur Mattazzo, pendant que leurs mamans achetaient une ampoule 3 volts ou un peigne électrique). Il vendait uniquement des objets de marques improbables (j'ai un grille-pain de marque IZUROU. Toujours selon la légende, Monsieur Mattazzo créa cette ligne spécialement pour le quartier. Encore aujourd'hui, on capte les ondes courtes en actionnant le thermostat. Et certains soirs, lorsque la nuit est clémente, on peut entendre l’Amiral Nelson lancer son offensive sur Trafalgar.).

Seules les télévisions échappaient à cette règle immuable, allez savoir pourquoi.



En effet, question télé, monsieur Mattazzo ne vendait que du Radiola.

Il réparait les appareils, aussi.



Interrompre monsieur Mattazzo en pleine opération à circuits ouverts, c'était risquer de prendre en pleine poire un fer à souder, lancé à la vitesse du son du bout de l'atelier. Son S.A.V était cosmique. Monsieur Mattazzo descendait en rappel dans les mattazzo3tubes cathodiques, avec une lampe frontale et une boussole. A midi, son fils lui balançait des sandwichs à la catapulte, et faisait descendre au fond du tube une petite gourde de vin rouge. Gracieusement posée dans un ravissant panier en rotin tapissé de tissu vichy.

Quand il n'avait rien à faire, monsieur Mattazzo sortait sa blouse grise, son sourire tout jaune et sa couperose sur le trottoir. Les mains croisées dans le dos, il mâchonnait un vieux crayon, même pour dire bonjour. Lorsqu’il croisait un habitant du quartier (ou pas d’ailleurs. Monsieur Mattazzo aurait entamé une conversation avec un extra-terrestre, auquel il aurait probablement essayé de vendre une lampe-torche carrée assortie de sa pile à ressort), il se lançait dans de caverneux discours au fond desquels il ne mettait que des voyelles.

A cause du crayon.

Peut-être aussi qu'il ne connaissait pas l'existence des consonnes. 

Il était un peu dur d'oreille, et nous nous amusions à lui poser tout un tas de questions sans les articuler. Les conversations qui s'ensuivaient prenaient une tournure intéressante, mais dépassaient rarement les 10 minutes, faute de matière.

Sacré Monsieur Mattazzo.

Mourad, c’était autre chose.

Il m’appelait Lady Di (et je ne crois pas que ce soit une bonne nouvelle), et prenait des poses lascives au milieu de ses boîtes de conserve, moulé dans un pantalon de tergal antédiluvien très lustré. Mourad était un gentleman, il me faisait de petits cadeaux, et de grands sourires constellés de graines de sésame. Il devait avoir dans les 79 ans. Il était épais comme une taie d’oreiller, et n'articulait pas très bien lui non plus.

Maintenant que j'y réfléchis, le quartier était peut-être le siège d'une étrange malédiction.

figuesMourad vivait au-dessus de son épicerie. Professionnel et Don Juan jusqu’au bout de l’ourlet, il descendait parfois m’offrir un petit paquet de vieilles figues (seule la date de péremption était encore visible sur l’emballage), quand il me surprenait dans la rue à une heure tardive. N’ayant pas de télévision, Mourad se postait sur le rebord de sa fenêtre et observait le quartier, on décelait à peine son visage au travers d’un épais rideau de bégonias. En fait, on le devinait. Dès qu’il m’apercevait, son petit bras tout maigre surgissait en emportant ça et là quelques feuilles sèches, et il me demandait d’attendre 2 minutes.

Quelques instants plus tard, il soulevait avec fracas le rideau de la boutique, laissant en état d'hébétude la moitié du quartier surprise dans son sommeil. Il sortait alors à toute berzingue en pyjama, lesté de son offrande jurassique. Je n’ai jamais pu me résoudre à jeter le paquet 3 poubelles plus loin. En général, je l’offrais à mon tour et j’imagine qu’à ce jour, de nombreux paquets de figues du XVIIIème siècle font inlassablement le tour du monde.

L'un d'eux échouera peut-être un jour dans les mains de Jean-Pierre Coffe, qui sera bien embêté. 

Aujourd'hui, il reste deux irréductibles dans le quartier. Le quincaillier Descloux (ça ne s'invente pas), qui vend des accessoires de marque LeManchot au rayon serpettes et tronçonneuses. Rien que pour cette raison, je suis prête à lui allouer un budget mensuel. Pas très loin, l'électricien Petitpierre, chez qui on peut encore payer en assignats, en écus et en points Esso, enlumine ses factures exorbitantes dans la pure tradition des moines de l'abbaye de Saint Bavon.

Mais curieusement, quelque chose me dit que ça ne durera pas.

 

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8 janvier 2011

Les brigades du tigre du Bengale

Je suis perplexe.

En Octobre 2009, je déménageais vers les hauteurs de la ville, là où l’air est plus sain et surtout, là où les joyeux fêtards de la nuit sont un peu plus discrets que ceux du centre (probablement parce que les joyeux fêtards d’en haut fracturent des maisons, pendant que les joyeux fêtards d’en bas s’enfilent dans le cornet de grandes rasades d’herbe de bison glacées, pour faire passer les délicats toasts à la crème d’anchois bio que leurs proposent des serveurs obséquieux. Ce qui donne une idée assez précise de la répartition sociale de cette ville au demeurant ford escort fort accorte.).

Bref, j’ai découvert non loin de ma nouvelle maison une extension de ma banque, ce qui m’arrangeait bien. Mon côté littéraire prit vite le dessus, car la vie est une aventure, et je rebaptisais derechef le bureau en « comptoir », comme du temps des Indes galantes, et d’ailleurs pourquoi pas ? james_stewart_and_kim_novak_in_hitchcocks_vertigo1

Las, je fus vite marron (d’Inde, donc).

 

Je veux dire par là que ses horaires d’ouverture sont incroyablement fantaisistes, et qu’il reste parfois prisonnier d’une moufle opaque des jours entiers, même en été. Ces jours là, il ressemble à une cabine téléphonique du quart monde, vaguement dessinée au  milieu de nulle part d’un coup de crayon flou. Juste pour suggérer qu’éventuellement, il serait possible qu’elle existe et qu’elle soit ouverte un jour, mais c’est vraiment pas sûr.

Pourtant, j’atteste de son existence.

Même qu’une fois, j’ai échangé quelques phrases avec la personne qui se trouvait derrière le comptoir (des Indes, donc). C’était une femme assez affable, mais toute son attitude exprimait une espèce d’incertitude. Pour être honnête, la mienne aussi, car j’avais l’impression de parler à un tigre du Bengale déguisé en tailleur jersey.
Mais un tigre du Bengale quand même, tout frisotté, dans les 55 ans.
Son sourire était lui-même très incertain, un peu comme s’il s’était posé là par hasard avant de reprendre sa course folle vers un film de Jerry Lewis.

36629Après mûre réflexion, je crois que cette femme est le fruit d’une expérience du Buddha. Un jour, il a surpris un tigre très dangereux en train de mâcher un fémur, et il lui a dit : « allez hop, je te fais le coup de l’impermanence, et je te transforme en tailleur jersey affable de temps en temps. Mais je te rassure, la banque dans laquelle je te mets à l’épreuve n’existe pas. C’est pour rire, allez. Tu vas voir, c’est amusant, pour peu que tu prennes le temps de t’y intéresser un chouïa. Parce qu’il n’y a pas que les fémurs à mâcher dans la vie. Apprends, jeune padawan tigre du Bengale, et tu te réincarneras peut-être un jour, pour de vrai, en tailleur jersey derrière un comptoir de vraie banque». 

Et hop, le Buddha a disparu dans un nuage parfumé au jasmin.

Tu penses bien que le tigre, tout gauche dans son tailleur jersey, a vite saisi toute la mesure de cette extraordinaire perspective de promotion.
Du coup, il apparait de temps en temps, pouf, comme ça, arraché à son festin de viande crue, pour me donner 30 euros du bout des griffes.
Que je lui arrache avec les dents.

Ensuite, le bureau disparait dans les limbes quelque temps, pour revenir de façon très aléatoire. Un jour il est là, tout pimpant, avec son tigre en jersey dedans (qui mâchouille pensivement la rondelle de plastique noir d’une vieille pointe Bic) et, le lendemain, on le distingue à peine. A travers les anneaux d’acier de la grille de protection, on en aperçoit les vitres, recouvertes d’une épaisse couche de saleté opaque.
Comme s’il avait traversé les 5 continents dans la nuit, et qu’il en avait profité pour remonter le temps jusqu’au pléistocène après avoir fait le tour des anneaux de Saturne. Cette situation surréaliste me fait systématiquement penser à une BO de Henry Mancini.

Découvrez la playlist Mancini avec Henry Mancini & His Orchestra

 

Je n’ai aucune idée de ce qu’expérimente le tailleur en jersey au cours de cet extraordinaire périple, mais ce doit être très déstabilisant.

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Je vais donc m’empresser d’adresser un message au Buddha :
Votre Sagesse au safran, je vous saurais infiniment grée de bien vouloir pratiquer l’expérience de l’impermanence sur mon boulanger qui fait des croissants tous secs, plutôt que sur la banque où sommeille mon compte, et son tigre du Bengale en tailleur jersey. Vous vous éviteriez des embrouilles avec le WWF, qui ne voit pas d’un très bon œil vos expériences grotesques. J’ajoute que cela rendrait la vie plus simple à tous les habitants du quartier, qui en ont un peu raz la pomme de se casser le groin sur les portes d’un bureau qui n’existe qu’un jour sur 4.
En même temps, votre Envol Parfumé, je dis ça je dis rien.
C’est vous qui voyez.

4 janvier 2011

Tiens, voilà de la gaine à boudin

Récemment, je suis allée visiter les cuisines d'une clinique du canton de Vaud, chez nos joyeux voisins (et néanmoins amis) Helvètes (pour être austère, ce préambule n'en demeure pas moins très professionnel, simple, clair et concis. Les initiés apprécieront.).

Je portais ce jour là une gaine à boudin un bustier croquignolet, qui magnifiait les courbes molles de mon tour de taille. J'étais de belle humeur, la journée s'annonçait splendide. Mais écoute, manant, la triste estoire qui m'arrivoit (en vieux François dans le textoi, je faisois comme je voulois car je suis céans ton troubadouroi)

Je conduisais tranquillement mon destrier fougueux vers sa noble entreprise, quand une baleine se tordit, me labourant les12664ck côtes au passage (une baleine du bustier. Il n'y a pas de baleine dans le lac Léman., combien de fois devrai-je le répéter?). Quelques embardées, un ballet aérien de petits Suisses et un poids lourd dans le fossé plus loin, mon buste entier baignait au cœur d'un cimetière de baleines tordues, et cela me conduit à vous mettre en garde : Ne croyez JAMAIS les publicités qui veulent vous faire croire que les bustiers modèlent un corps Dior J’adore. Car vous allez découvrir avec stupéfaction qu’au terme de quelques heures, votre buste ressemble à l’accordéon d’Astor Piazzola.

Avec 2 jambes dessous et un truc bizarre, presque humain, au dessus.

Allez chalouper de la hanche en jetant partout vos bijoux avec un accordéon autour de la taille, vous allez voir comme on vous prend au sérieux.

 Cependant, dans une clinique, je passais relativement inaperçue. Après tout, on croise bien des béquilles, des potences, des fauteuils roulants et des minerves, pourquoi pas un accordéon.

411photosdanapodMon interlocuteur, par contre, vacilla un instant avant de reprendre un quant-à-soi très Vaudois (car n'était-ce un accent en forme d’élastique, le Vaudois est subtil et raffiné), mais je vis clairement briller successivement la surprise, l’effroi et la compassion dans son l’œil. Il serra délicatement ma main, comme s’il craignait qu’elle ne se déforme à son tour, et me conduisit très rapidement à l'infirmerie  dans les cuisines.

Ce fut un triomphe.

 

Je crois vous avoir déjà passé l’info, car je la pense utile, mais une petite piqûre de rappel me parait indiquée (d’autant que les visites de cuisines professionnelles tendent à se démocratiser, et que le cahier des tendances 2012 indique clairement un engouement à tout casser pour ce type de divertissement d’ici les prochaines années) : ce genre d’expérience exige un petit cérémoniel très accessoirisé : une fine blouse en plastique transparent horriblement mal coupée (mais très près du corwww, diorwww j’adorwww), une charlotte qui laisse dépasser quelques touffes de cheveux et, histoire de bien vous faire comprendre qui est le chef, des surchaussures vertes taille 57 en papier (et si vous n’obtempérez pas dans la seconde, 2 Chuck Norris, coiffés eux aussi de charlottes, vous plongent entièrement dans un bouillon de poule brûlant). 

Je vous laisse quelques minutes, le temps de faire travailler votre imagination. 

This_Island_Earth

 

Vous avez bien ri ? Parfait. 

 

Ensuite, il ne reste plus qu'à patiner avec plus ou moins de bonheur dans le sillage humide de votre hôte (les cuisines professionnelles sont, en principe, lavées toutes les 13 secondes. Celles du canton de Vaud sont immergées directement dans le Léman).

 

 

Trop occupé à présenter fièrement l’équipement de Palpatine, l’Empereur de la galaxie (StarWars, épisodes 1 à 22),local_d_chetl’élégant mais néanmoins Vaudois ne se doutait pas que l'accordéon d'Astor Piazzola, enveloppé de cellophane, dansait une formidable mazurka silencieuse dans son dos. Il a d’ailleurs raté un bon divertissement, mais le Suisse est ainsi : toujours sur la brèche. Je suis passée très furtivement devant la chaîne de production avant de rebondir contre une pyramide de petits fours, et quelques petits pas de smurf ont déstabilisé mon assiette au niveau des chambres froides. C’est donc à l’horizontale que j’ai franchi le mur du son, en passant près du local à déchets. Sans toutefois m’arrêter, comme l’eut exigé l’étiquette (à l’heure où les princes et princesses préfèrent l’Aston Martin à la calèche, on peut bien s’accorder quelques entorses au protocole). Pendant ce temps, l’élégant, subtil et délicieux Vaudois donnait des détails techniques de la plus haute importance, auxquels j’avais accès par intermittence, entre 2 arabesques et un triple lutz à la Nelson Montfort.

Je ne percevais que la gamme aigüe de son monologue, et ce pour plusieurs raisons :

1)       Le concours de patinage dans lequel je m’étais engagée exigeait une grande concentration

2)       La charlotte m’obstruait partiellement les tympans

3)       Vous avez déjà entendu l’accent Vaudois ?dessin_fun_Juin

 

Lorsque mon hôte m’a aidé à retirer la fine blouse de plastique, nous avons découvert, avec un certain désarroi, l’accordéon d’Astor Piazzola complètement déformé. Moi, je savais que le bustier était déformé. Mais l’élégant, gracieux et remarquable Vaudois a probablement supposé qu’il s’agissait de ma configuration naturelle. Une lumière de compassion profonde, voire de tendresse, brillait encore au fond de son regard clair, il me parlait très doucement. Comme à un enfant qui ne comprendrait pas bien toutes les subtilités de l'univers, et qui serait plutôt mal barré dans la vie. 

 

Je gifle donc mentalement, mais publiquement, tous les vendeurs de bustiers mensongers, et suggère aux scientifiques de se pencher rapidement sur l’épineux problème des baleines. Si tout le monde faisait son boulot correctement, le monde tournerait peut-être un peu plus rond.

 


 


 

 

 

 

 

20 mai 2010

Les merveilles du désert. Chapter Ouane (c'est comme le Boulaouane, sauf que c'est une merveille)

Aujourd’hui, je vais te raconter une merveille du désert.

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Quand tu passes 7 nuits dans le désert, les deux premiers soirs au cœur du Sahara sont envoûtants. Tu te laisses envelopper par l’extraordinaire immensité des dunes gigantesques, qui se succèdent à perdre haleine (c'est une figure de style. En fait, les dunes (et tes yeux) ne respirent pas, c'est pour faire joli).

Du coup, tu n’as même pas envie d’en parler, tellement c’est immense, et tellement tu te sens ridicule d’essayer.

D’ailleurs, tu n’essaies pas.

De toutes manières, tu es en compagnie de 13 bédouins qui :


1) ne te comprendraient pas. Car tu es incapable de t’exprimer en Arabe, et que tu as un tapis de poussière enroulé autour de la glotte, ce qui est bien dommage (pas le tapis de poussière (ça, tu as l'habitude) ,le fait qu'à part "mektoub" et "choukrane", tu sois dans l'impossibilité de communiquer ton émotion autrement que par des mimiques à la Marcel Marceau.). 

2) ont tous grandi dans des nuages de sable, des oueds et des mirages (ils croient d’ailleurs que tu en es un, particulièrement apeurant et tenace. Car ils te croient aussi volatile, comme tout mirage, et ne comprennent pas que tu sois encore là le matin, avec ton chèche de guingois et ton pantalon qui pue. En plus, tu réclames un petit déjeuner.)

3) ont autre chose à faire que d’écouter la lente mélopée romantique d’un plumeau blond tout sec, d'apparence humaine assez vague, qui passe son temps à demander, en poussant de petits cris aigus, si le ballet des scorpions et des vipères à cornes est prévu pour bientôt.).

bousier4










Le 3ème jour, la poésie perd un peu de sa consistance, au profit d’un impératif beaucoup plus concret. Cet impératif se traduit par une interrogation spontanée (mais intérieure; car je te rappelle que les bédouins sont occupés ailleurs et qu'en outre, ils ne te comprennent toujours pas. D'autant qu'ils continuent de croire que tu es un mirage, alors tu penses bien s'ils vont te prendre au sérieux.). Dès la découverte du point bivouac, tu vas te poser la question suivante:

"vers quelle dune vais-je me diriger pour déposer mon offrande matinale au Grand Bousier des Sables?". 

A ce sujet, je tiens d'ailleurs à signifier toute mon irritation envers les entomologistes, qui ont délibérément passé sous silence la présence impalpable du Grand Bousier des Sables (ou GBS).

Le GBS est un monarque, c’est le plus grand de tous les bousiers.             bousier2                     


Plus grand que toi, même.

Je suis convaincue de son existence, il ne peut en être autrement, c’est une question de bon sens spirituel.

Le bousier banal, quant à lui, est un insecte délicieux, mais un peu…comment dire…un peu hermétique.

 Il passe sa vie à rouler des boules de caca de la taille d’un moulin en direction d’un lieu secret.

Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo

 Secret?

 En sommes-nous bien certains ?

Car si un scientifique voulait bien consacrer du temps à ce sympathique animal, il trouverait plus que probablement le palais en chocolat du GBS. Les bousiers du Sahara viennent chaque matin recueillir les offrandes que d’obscurs demi-dieux venus des étoiles déposent dès l’aube, quand le ciel bleu nuit palpite encore sous la lumière stellaire. Certes, ils ne comprennent pas bien pourquoi ces êtres suprêmes sont à ce point prodigues (car le cerveau d’un bousier n’est capable d’interpréter que des faits simples. Faut pas pousser quand même, hein, c’est un bousier, pas Einstein. Alors si tu lui parles du Grand But Superfétatoire (et Gigantesque), tu vas voir comme il va se carapater avec son butin remarquable sans demander son reste. Par contre, les tiens, de restes, il les veut bien). Le Grand Bousier des Sables, lui, a tout compris, il ne fait qu'un avec le Grand But Superfétatoire.

bousier3

C'est pour ça.


Je te jure, c’est vrai.

Enfin bon, c’est comme ça que je vois les choses, mais si tu préfères t’en tenir aux faits scientifiques, et te dire que le bousier est un insecte qui pousse des boules de crotte toute sa vie dans un désert aride et terriblement inhospitalier sans aucun but, c’est ton droit.


Mais il ne faudra pas venir te plaindre le jour où tu devras répondre à un quizz sur les merveilles du désert.

 

 

 

 

 

 

 

17 mai 2010

Joan Baez n'est pas une actrice de films pornographiques

 

GFranchement, j’y ai longuement réfléchi, et j’en suis arrivée  à cette conclusion. Si les hommes devaient n’avoir qu’un seul défaut, ce serait George Clooney. Dis comme ça, je vous accorde que c’est un rien sibyllin. Oui, mais vous allez voir que ça n’est pas aussi tordu qu’il n’y parait.

 

Tiens, je vous mets sur la voie, histoire de vérifier que vous êtes attentif et, surtout, que vous avez un minimum de sens commun (parce que je ne voudrais pas dire, mais parfois, vous êtes un peu limite) :

 

Prenez Julien Lepers.

 

Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il ressemble à Michael Keaton. Mais quand l’un vole gracieusement dans les airs en costume de Batman avec tout un tas de gadgets formidables, que Michelle Pfeiffer lui colle aux fesses en faisant « miaou », et qu’un majordome raffiné l’attend une coupette de champagne à la main, dans une demeure grande comme le Mozambique, l’autre fait le guignol à « questions pour un champion » avec une cravate navrante, sur un podium de la taille d’une lentille.

Et ses gadgets à lui, ce sont des sonneries de ferries Corses et des bouts de carton.

 

Vous saisissez la nuance ?

 

Pour George Clooney, c’est pareil, en pire.

Parce qu’il y a des types qui s’imaginent qu’ils lui ressemblent. Tapez « sosie de George Clooney » dans votre moteur de recherche, pour voir. Croyez moi, vous allez bien rigoler. Un restaurateur de Bolton (Vermont) a même prétendu que sa ressemblance avec le Divin (je m’incline) avait ruiné son mariage. Il envisage à présent de conquérir Lisa Snowdon, une ex du Céleste (je me prosterne).

 

La comparaison est implacable, car ne se frotte pas à l’image d’un demi-dieu qui veut. Les demi-dieux, tout comme les princesses, ont nombre d’attributs auxquels aspirent les gueux. Cependant, il ne suffit pas d’avoir des tempes grisonnantes, un pantalon de lin crème et une tasse de café en sautoir pour s’approprier ceux du Parfait (je m’agenouille).

 

Par exemple, dire « what else ? » le plus sérieusement du monde avec un accent Berrichon peut s’avérer périlleux.

Surtout s’il est doublé d’une voix de castra.

 

Renoncez tout autant à vous comparer au Précieux (je m’étends, face contre terre) si vous mesurez 1,63 mètre, choisissez plutôt Danny DeVito.

Ou Derrick.

J’admets que ce dernier fait moins Hollywood, mais réfléchissez un peu. Si vous vivez dans un 2 pièces à Saint Julien Molin-Molette, ça sonnera plus vrai.

 

Rappelez-vous également que les demi-dieux ne produisent pas de biogaz, car ils n’ont pas de système digestif. Par conséquent, évitez la raclette et le cassoulet, concentrez-vous sur des produits nobles que l’organisme assimile sans dommages collatéraux.

Un pétale de fleur, par exemple.

Ou un pépin.

En ce qui concerne la gestuelle, évitez de vous avachir sur votre chaise comme de la pâte à pain, les jambes écartées, une chaussette à moitié descendue sur la cheville. Comme tout demi-dieu, George Clooney (je me couche) n’a pas de colonne vertébrale.

Mais vous, si.

 

Pour coller parfaitement au mythe, n’allez surtout pas vous imaginer qu’il soit follement classe, à l’instar de votre modèle, de vous balader avec animal incongru. George (je bave) a certes, par le passé, affiché son amour inconditionnel pour Max, un vieux cochon tout pourri.

Un clair de lune à proximité d’une porcherie aurait cependant ses limites.

A moins que vous n’habitiez Amsterdam.

Car dans le porc d’Amsterdam, ya des marins qui chantent.

Et ça, c’est très romantique.


PS: J'ai l'intention de revenir bientôt, et ce billet est un leurre, pour voir. Sinon, veux-tu gagner un tomahawk en caoutchouc? Suis les instructions secrètes contenues dans ce post, c'est là l'enjeu magnifique.

Pfoireux: Dis donc, t'as vu comme il est raffiné mon cochon?

 

 

14 février 2010

Les aventures extraordinaires d'Atomic Lefrézu

L’an passé, le jour de la Saint Valentin, une galerie marchande offrait à toutes les femmes un ravissant petit pot de fleur. C’est un geste drôlement sympathique, bravo. Je demande cependant aux généreux organisateurs de renoncer à le faire cette année, ou de remplacer le petit pot de fleur par quelque chose de plus maniable.

Un chèque, par exemple.

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Car ce jour là, j’avais prévu la tournée shopping des grands ducs, un passage à la banque, une séance de cinéma, et je dînais dans la foulée avec un charmant monsieur. Enfin bref, ma journée était pleine comme un œuf.
Quand une hôtesse me fourra dans les mains le petit pot de fleur en plastique.
J’ai failli refuser, mais elle émit un sourd grognement lorsque je fis mine de le lui rendre ; et comme je suis très lâche, je me suis empressée de l’embrasser, de me prosterner, et de l’inviter en vacances à Honolulu.
Et j’ai gardé la fleur.

Je l’aurais bien balancée dans la première poubelle venue (la fleur, pas l’hôtesse), mais je suis persuadée que l’hôtesse avait des pouvoirs magiques acquis sur les rives du Styx, là où les démons péteurs du 7eme cercle bavent à la lune.

Bref, elle aurait été très peinée.

A partir de cet instant, mon quotidien a basculé.
A la librairie, jai d’abord posé le petit pot de fleur en équilibre sur une pile de bouquins. Mauvais choix. Sur une pile de bouquins, le petit pot de fleur est en équilibre instable, d’autant qu’il faut constamment le déplacer, parce que c’est précisément dans cette pile qu’un gros monsieur désagréable a décidé de mettre la pagaille. Le petit pot de fleur vogue alors joyeusement d’Anna Gavalda à Jim Harrison, et finit sa course à l’horizontale sur un volume de la pléiade. Le couvrant au passage d’un monticule de terre sèche. Dans l’instant, une libraire et 2 agents de sécurité se sont matérialisés, m'ont ligotée et jetée dans le caniveau poliment priée de vider les lieux. Un instant d’hébétude plus tard, j’ai vu le petit pot de fleur décrire un élégant arc-de-cercle avant de retomber à mes côtés.

Dans la cabine d’essayage, j’ai posé le petit pot de fleur par terre, en faisant bien attention de ne pas l’écraser. Mais essayer une robe tube légèrement trop petite dans 3 cm carrés requiert une maitrise du corps et de l’espace que je n’ai pas (par contre, j’imite très bien Roger Moore). En dangereux déséquilibre, je me suis rattrapée de la nuque à la patère, de la main gauche à la poignée, et de la chaussette droite au petit pot de fleur. Comme un gros X fébrile. Légèrement déformé, le petit pot de fleur a encore semé quelques parcelles de terre sèche sur le sol.

A la banque, je ne savais pas trop quoi faire de lui ; je l’ai donc posé sur la table, entre le banquier et moi. Il commençait à être drôlement cabossé, et son aspect douteux n’augurait pas grand-chose de joyeux. Lorsque j’ai voulu signer la reconnaissance de dette avec une tête de mort en haut à gauche que me tendait le Grand Inquisiteur, je l’ai légèrement bousculé et, comme de juste, un petit nuage de terre sèche (plus un pétale) a joyeusement salopé l’ensemble de la liasse.

Au cinéma, j’ai posé le petit pot de fleur sur l’accoudoir du fauteuil, et je pense qu’il a beaucoup aimé le film. Mais je crois qu’il est un petit peu trop émotif ; la preuve, au moment crucial, il a basculé vers le fond du siège et s’est coincé entre l’assise et le dossier. Oh, regarde ! Il y a un petit tas de terre sèche sous le fauteuil !

Lorsque je suis arrivée au restaurant, j’ai glissé le petit pot de fleur dans mon sac-à-main. L’ensemble avait maintenant l’épaisseur d’un filtre à café, il était grand temps que nos routes se séparent. Très heureuse à l’idée d’être enfin débarrassée de cette scrofule, mon sourire étincelant s’est légèrement figé lorsque mon compagnon m’a offert mon cadeau de Saint Valentin.

C’était un ravissant petit pot de fleur en plastique, en tous points semblable.

PS:  Madame de K, je te salue

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